Le Vendredi
Une petite journée de RTT afin de palier aux déficiences de Miss Béhème ; cardan cassé 2 semaines auparavant, au bout de 30 km durant la sortie à Chantilly. Le soir, c'est donc avec une moto requinquée que je me présente devant le moto-club. Et vous savez quoi ? Nous avons rendez-vous le vendredi à 20h30 pour un départ à 20h30. Nous partons à 20h30 !! " Ben là, j'suis bluffé ". Il faut bien avouer que l'on ne change pas d'heure toutes les semaines.
Aussi, ce sera sans encombre que nous parvenons sur l'autoroute A11 en direction du Mans, le week-end des 24 heures moto. Ainsi, nous profitons de sa gratuité jusqu'à Laval, alors que cela ne fait pas le moindre doute, nous avons loupé la sortie vers le circuit depuis plus d'une heure. C'est ça d'avoir une moto équipée de l'ABS. Par contre, la voilà démunie de béquille centrale, une vis d'axe ayant cassée pour la deuxième fois en 110 000 km. Il serait grand temps que BMW arrête de se reposer sur une réputation acquise grâce au travail consciencieux des ouvriers de l'époque. C'était mon coup de gueule du mois.
C'est donc vers minuit que nous rejoignons Dame Nanou présente au gîte depuis la fin d'après midi. Cela lui aura permit de réchauffer nos lits en démarrant une bonne flambée après avoir fait les courses au village le plus proche ; Craon. Qu'elle en soit ici remerciée.
Au vu de la journée chargée du lendemain, le réveil est imposé à 8h00 et nous ne tardons pas à intégrer nos lits respectifs. Il faut savoir être sage et reporter au lendemain galvauderies et autres ripailles en compagnie de quelques ménestrels.
Le Samedi
La balade débute par la visite de Craon, charmante bourgade implantée sur l'Oudon, une petite rivière enjambée par de vieux ponts de pierre qui ne tiennent plus guère que par un grand mystère et allez savoir quoi. Après être passés par le pont neuf (qui comme à Paris est le plus ancien pont de la ville) et la rue des Douves, nous longeons l'Oudon à pied sur un étroit chemin passant par un grand parc verdoyant et aboutir devant la grille du château érigé vers 1770 par le marquis d'Armaillé, dernier baron de Craon. Outre ce château en pierre de tuffeau lui offrant cet aspect blanchâtre, nous apercevons le parc à l'anglaise de 40 ha. Nous terminons cette balade pédestre en passant par les Halles avant de récupérer nos montures préférées. Mais étant arrêtés au pied de l'église, un petit groupe décide d'en faire une rapide visite.
Une fois enfourchées, nos motos nous conduisent jusqu'à La Guerche de Bretagne, non sans passer devant l'abbaye de la Roë, fondée en 1098. Enclavée entre 4 départements - l'Ille et Vilaine, la Mayenne, le Maine et Loire et la Loire Atlantique - La Guerche de Bretagne a naturellement développé son commerce et son artisanat. C'est ainsi que depuis 1121, on y trouve un marché au cœur de son site historique, sur la place de l'église et du château (du moins ce qu'il en reste), entourée de maisons pittoresques à porches et colombages formant galerie. Nous nous y garons afin d'aller boire un café, car il ne fait pas chaud ce matin. Enfin, il ne pleut pas et le soleil a même l'heureuse idée de faire quelques apparitions.
Avant de repartir, le même petit groupe décide de visiter l'église, une ancienne chapelle devenue basilique depuis 1951. " Va falloir que je modifie le parcours afin d'éviter les maisons de Dieu ".
Nous poursuivons notre itinéraire par La Selle Guerchaise où se trouvent d'anciennes maisons et à une chapelle en forme de pagode chinoise. Notre itinéraire étant basé essentiellement sur le tourisme, nous voilà maintenant à la recherche d'essence et les villages traversés sont peu propices à sa découverte. Nous finissons tout de même par trouver une station et vu le soulagement d'Olivier, nous avons frôlé une séance de poussette.
Après que j'ai réagi devant l'amabilité du gérant (dont la bêtise est gravée sur son visage), Olivier plaisante en me demandant s'il ne serait pas possible d'avoir un peu moins de gravier sur la route. Alors, nous repartons sur de petites départementales aux graviers disparus pour aboutir à St Jean sur Mayenne afin de nous y restaurer dans un snack. L'idée première était de pique-niquer, mais vous avouerez que cela ne manquait pas d'optimisme un 13 avril.
En ressortant, les choses sérieuses commencent car nous abordons la vallée au nord de Laval, dans le quart Nord-Est de la Mayenne, sans nul doute la partie la plus viroleuse, la plus vallonnée et la plus ombragée. Ces virages nous amènent jusqu'à Jublains, une ancienne forteresse romaine implantée sur la terre gauloise des Aulerques Diablintes, où transitaient les impôts en nature et métaux précieux. Il en subsiste des thermes sophistiqués avec des piscines d'eaux chaudes et froides (s'il vous plait), de vastes théâtres en gradins et des rues au quadrillage parfait. Mais nous ne la visitons pas, préférant continuer notre périple vers la butte de Montaigu, que nous gravissons à pied jusqu'à la chapelle, où s'ouvre à nous un magnifique panorama. Nous en redescendons par le mont Rochard, le Grand Roc et les Pierres Duidiques, en passant par quelque chose à mi-chemin de la voie romaine et du sentier muletier, pourtant mentionné sur ma carte. En l'abordant, je ne peux m'empêcher de repenser à la requête d'Olivier et ses graviers, aux commandes de sa SRAD. Au vu du résultat, ce n'est pas demain que nous en verrons une gagner le Touquet. Enfin, tout le monde en rigole après m'avoir maudit dans leur casque, j'en suis sûr. C'est ça l'intérêt de rouler avec des gens que l'on connaît. J'avais fait la même dans le Jura, et Carméla (jeune permis à l'époque) s'en était parfaitement sortie. " On s'habitue à force. Les gens le savent qu'on roule et boulée ! ".
Avant d'arriver à Sainte Suzanne, une pause photo au Tertre Gane s'impose, car il offre une vue panoramique du château. Perle du Maine, Ste Suzanne est la seule place forte qui est résistée à Guillaume 1er, dît le Conquérant, Duc de Normandie à l'âge de 8 ans et Roi d'Angleterre 31 ans plus tard, en 1066. Les remparts du XIV et XVème siècle, quasi intacts, dominent le Couëvron et la forêt de Charnie sur un éperon rocheux. Après la visite nous ne sillonnons pas comme prévu l'Erve qui serpente doucement au pied de la Forteresse, car le pneu arrière du SRAD semble se dégonfler " lâche, va ! " Résultat, nous nous dirigeons sur Evron afin d'y palier et accessoirement, faire les courses pour ce soir afin de dîner au gîte, plutôt qu'un restaurant. Aussi régionale soit-elle, la deuxième option présente l'inconvénient de devoir rentrer bourrés, enfin grisés (bien que la nuit, tous les motards sont gris).
Je passe sur le retour au plus direct et la soirée de bonne humeur mais pas de bonne heure.
Le Dimanche
Couchés à 4h00 et debout à 8h00, le café rapidement absorbé ne peut suffire à me remettre les yeux en face des trous et la lecture de carte en est rendue plus ardue. Heureusement, nous n'allons pas très loin car nous nous arrêtons au bout de 5 km au lieu dît La Frenouse, visiter le musée Robert Tatin, du nom d'un artiste tour à tour charpentier, peintre, architecte, sculpteur, décorateur, céramiste, qui laissa libre court à la créativité engendrée par l'expérience de ses multiples voyages dont la Polynésie. Après la projection d'un documentaire, il ressort que M. Tatin ne restera pas dans la postérité pour ses paroles, mais pour ses actes. Effectivement, j'avoue ne pas avoir saisi la parenthèse faite par l'artiste sur son inspiration, mais aussi son expiration (donc sa respiration, donc sa vie ??)
Reconnu Maître Compagnon par ses pairs alors qu'il n'effectuera jamais son tour de France, il bâtira durant 21 ans des œuvres de diverses influences (majoritairement d'Amérique latine) en l'honneur de plusieurs artistes qu'il appréciait, telle Mlle Fini, cette brésilienne excentrique qui arpentait les rues de Rio la nuit, vêtue de cuir, un fouet à la main. Nous cheminons ensuite entre les statues de l'allée des géants pour rester médusés devant le mystère de l'ordonnancement de la Porte du Soleil et de la Lune et en saluant Notre-Dame-Tout-Le-Monde.
Je suis émerveillé par le courage qu'il lui aura fallu développer devant le gigantisme de son œuvre. Je me prends même à apprécier un art qui jusque là, m'était totalement indifférent, car une certaine harmonie y est toujours présente.
Ce musée ne représente évidemment en rien la Mayenne (hormis le fait que Robert Tatin était Lavallois) mais il aurait vraiment été dommage de passer à côté. Cet avis, il me semble le partager avec chacun d'entre nous.
Après avoir refait le plein d'essence, nous continuons par les petites routes jusqu'à rejoindre la nationale, où nous trouvons un routier pour s'y restaurer ; il commence à se faire faim. Malheureusement, nous en ressortons suffisamment tard pour traverser Le Mans à 15 heures, durant la sortie de 400 000 spectateurs en moto.
Il y a 4 ans était survenu un drame entraînant la mort de 9 d'entre nous et depuis, le service de sécurité est tel que nous sommes tombés dans un embouteillage monstre. Par contre, j'avoue être effaré par la capacité des habitants, même au bout de 100 km, à patienter 4 à 5 heures pour vous applaudir à l'approche d'un virage. Rien de tel pour qu'un jeune esprit faible ait le sang qui lui monte à la tête. Comment estiment-ils les motards pour croire qu'il suffise de dresser 2 doigts en l'air pour que bêtement, nous leur répondions. Mais j'arrête avant de pousser mon deuxième coup de gueule du week-end.
Bref, nous connaissons notre heure de gloire et comme les célébrités, nous nous montrons dédaigneux de l'intérêt qu'ils nous portent sauf envers les petits bouts de choux. Il ne saurait être question de les décevoir.